Analyse du mandat de Macron (2017 - 2022)

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Élu président de la République le 7 mai 2017, Emmanuel Macron promettait un profond renouveau économique, social et démocratique pour la France. Sa victoire, dans un contexte inédit où aucun des partis traditionnels n’avait réussi à atteindre le second tour, symbolisait pour beaucoup l’espoir d’un changement réel après des années de crise économique, de chômage persistant et de sentiment croissant d’injustice sociale et territoriale (Perrineau, 2018).

Durant sa campagne électorale, Emmanuel Macron s’était engagé sur des promesses fortes et précises : une réforme ambitieuse du marché du travail pour réduire durablement le chômage, l’augmentation sensible du pouvoir d’achat des Français, notamment grâce à la suppression progressive de la taxe d’habitation, et un renforcement de la souveraineté économique française à travers une politique industrielle et énergétique ambitieuse (Programme officiel « Révolution », 2017). Il promettait également une France plus sûre, mieux gouvernée et davantage respectueuse de ses engagements démocratiques et européens.

Cinq ans après son arrivée au pouvoir, quel bilan réel peut-on tirer de ce mandat présidentiel ? Emmanuel Macron a-t-il concrètement tenu les promesses essentielles faites aux Français ? Quelles conséquences réelles ces choix politiques ont-ils eues sur la vie quotidienne des citoyens, sur leur pouvoir d’achat, leur emploi, leur sentiment de justice sociale ? Ces questions concrètes et directement liées aux préoccupations majeures des Français constituent le cœur de cette analyse objective et neutre.

À travers une approche claire et pluraliste, basée sur des données précises, des témoignages et des analyses variées, cet article propose de dresser un bilan rigoureux du mandat présidentiel d’Emmanuel Macron (2017-2022). L’objectif : permettre à chaque citoyen de comprendre précisément les résultats réels obtenus, d’en mesurer les effets concrets sur son quotidien, et de se forger librement son propre jugement démocratique sur les cinq années écoulées.

I. Contexte initial synthétique du quinquennat (2017)

En mai 2017, lorsqu’Emmanuel Macron devient président, la France est dans une situation complexe, à la fois économique, sociale et politique. Après plusieurs années marquées par une reprise économique lente suite à la crise financière de 2008 et à la crise de l’euro de 2011, le pays connaît encore un chômage élevé, proche de 9,5 % de la population active, qui touche particulièrement les jeunes et les seniors (INSEE, 2017).

Les finances publiques françaises sont alors sous pression, avec un déficit budgétaire dépassant légèrement les critères européens (3,4 % du PIB) et une dette publique avoisinant les 100 % du PIB. Ces contraintes économiques laissent au nouveau président des marges de manœuvre budgétaires limitées pour mener à bien les réformes ambitieuses promises pendant sa campagne (Cour des comptes, 2017).

Sur le plan social, la France de 2017 affiche des fractures profondes : les inégalités sociales restent élevées, particulièrement visibles entre les grandes métropoles, économiquement dynamiques, et les territoires ruraux ou périurbains, marqués par un fort sentiment d’abandon. Beaucoup de Français ressentent une stagnation voire une baisse de leur pouvoir d’achat, exacerbée par une pression fiscale jugée excessive et injuste, sentiment fortement exprimé durant la campagne présidentielle (Observatoire des territoires, 2017 ; CEVIPOF, 2017).

Enfin, la situation politique en 2017 est marquée par une crise majeure de confiance démocratique. Les partis traditionnels (Parti socialiste et Les Républicains) subissent une défaite historique, laissant la place à un candidat qui se revendique « ni de droite, ni de gauche ». Le taux d’abstention record aux législatives qui suivent l’élection présidentielle (57 % au second tour) témoigne alors d’une défiance croissante des Français vis-à-vis du système politique traditionnel (Ministère de l’Intérieur, 2017).

C’est dans ce contexte précis, marqué par des attentes fortes de changement économique, social et démocratique, mais aussi par de grandes contraintes financières et des fractures sociales persistantes, qu’Emmanuel Macron commence son mandat en mai 2017. Ce cadre initial synthétique permet ainsi de mesurer précisément les résultats réels obtenus cinq ans plus tard.

II. Analyse détaillée : Macron a-t-il tenu ses promesses ?

L’évaluation précise des promesses électorales d’Emmanuel Macron est essentielle pour comprendre clairement si les attentes des Français ont été réellement satisfaites durant ce mandat (2017-2022). Cette analyse commence par deux thématiques fondamentales : l’économie et le social.

II.A. Promesses économiques : emploi, fiscalité et compétitivité

Promesses initiales :
Pendant la campagne de 2017, Emmanuel Macron avait fait de la baisse du chômage et de la compétitivité économique ses priorités absolues. Ses engagements précis étaient notamment :

  • Réformer profondément le marché du travail pour faciliter les embauches et réduire le chômage structurel.

  • Réduire significativement l’impôt sur les sociétés (de 33,3 % à 25 %), afin de favoriser les investissements et l’emploi.

  • Transformer l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) en Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI), pour encourager l’investissement productif.

Résultats obtenus :
Dès septembre 2017, Emmanuel Macron utilise les ordonnances pour réformer le marché du travail. Cette réforme a permis aux entreprises une plus grande flexibilité en matière d’embauche et de licenciement, en plafonnant notamment les indemnités prud’homales. Selon l’INSEE, le taux de chômage est effectivement passé de 9,5 % début 2017 à 7,4 % début 2022, atteignant son niveau le plus bas depuis une décennie (INSEE, 2022).

Concernant la fiscalité, le gouvernement a effectivement réduit l’impôt sur les sociétés à 25 % en 2022 comme promis. La suppression partielle de l’ISF (remplacé par l’IFI dès 2018) a également été réalisée rapidement. L’Institut Montaigne (2022) estime que ces mesures fiscales ont accru l’attractivité économique du pays auprès des investisseurs étrangers.

Perspectives divergentes :
Toutefois, ces mesures sont restées controversées. Si des économistes libéraux et des organismes comme l’Institut Montaigne ou l’IFRAP y voient des décisions positives pour l’économie française, d’autres économistes, tels Thomas Piketty ou ceux de l’OFCE, critiquent sévèrement ces choix fiscaux. Selon eux, la suppression partielle de l’ISF a surtout profité aux ménages les plus aisés sans prouver clairement son efficacité réelle sur l’investissement productif ou sur la baisse durable du chômage (Piketty, 2020 ; OFCE, 2022).

II.B. Promesses sociales : pouvoir d’achat, précarité, inégalités

Promesses initiales :
Emmanuel Macron avait clairement promis une augmentation tangible du pouvoir d’achat des Français, notamment grâce à deux mesures phares :

  • La suppression progressive de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages.

  • Une augmentation significative de la prime d’activité pour les travailleurs modestes, afin de réduire concrètement les inégalités sociales.

Résultats obtenus :
Ces deux mesures ont été globalement respectées durant le mandat. La suppression progressive de la taxe d’habitation, initiée dès 2018, a permis à près de 80 % des ménages d’économiser entre 300 et 800 euros par an, selon la Cour des comptes (2022). La prime d’activité a également été fortement augmentée dès janvier 2019, en réponse directe à la crise des « gilets jaunes », représentant une hausse moyenne de 90 euros par mois pour plusieurs millions de travailleurs modestes (CAF, 2022).

Cependant, dès fin 2018, la tentative de hausse de la taxe carbone (finalement suspendue) avait provoqué la crise sociale majeure des « gilets jaunes ». Cette crise a révélé que beaucoup de citoyens avaient un sentiment profond d’injustice fiscale et sociale, malgré les mesures positives adoptées par la suite.

Perspectives divergentes :
Le Conseil d’analyse économique (CAE, 2022) et l’Institut Montaigne (2022) estiment globalement que ces mesures ont permis une hausse réelle du pouvoir d’achat moyen pour les ménages modestes et moyens. Mais la Fondation Abbé Pierre (2022) et l’Observatoire des inégalités (2022) apportent une perspective plus critique : ils rappellent que malgré ces progrès statistiques globaux, la situation concrète des ménages les plus précaires s’est aggravée en raison de la hausse continue des coûts du logement, de l’énergie ou des carburants.

Le bilan social du mandat apparaît donc très contrasté : si certaines promesses ont effectivement été tenues et ont apporté des améliorations réelles pour une partie importante de la population, le sentiment d’injustice fiscale, territoriale et sociale demeure largement répandu parmi les Français les plus fragiles économiquement.

II.C. Promesses de souveraineté économique et stratégique

Promesses initiales :
Pendant sa campagne de 2017, Emmanuel Macron s’était engagé à défendre activement la souveraineté économique et industrielle de la France. Ses promesses comprenaient notamment :

  • La préservation des secteurs stratégiques nationaux contre les rachats étrangers jugés hostiles.

  • Une politique volontariste de réindustrialisation et de souveraineté énergétique, avec un soutien accru à l’industrie française.

Résultats obtenus :
Dès le début du mandat, le gouvernement lance des initiatives significatives telles que le plan « France Relance » (2020) et « France 2030 » (2021), qui prévoient des investissements massifs dans des secteurs stratégiques comme l’industrie, les technologies d’avenir, et l’énergie nucléaire. Ces plans représentent des dizaines de milliards d’euros investis pour renforcer la compétitivité industrielle française et préserver les savoir-faire nationaux (Cour des comptes, 2022).

Cependant, plusieurs opérations de privatisation ou de cessions de participations de l’État ont été envisagées ou réalisées : la Française des Jeux (FDJ) a été privatisée avec succès en 2019, mais les projets concernant Aéroports de Paris (ADP) ou Engie ont suscité une vive opposition, entraînant finalement leur suspension.

Sur le plan énergétique, le quinquennat a été marqué par des hésitations notables : la fermeture définitive de la centrale nucléaire de Fessenheim (2020), suivie finalement en 2021 par le lancement tardif d’un nouveau programme de réacteurs nucléaires pour préserver l’indépendance énergétique française (RTE, 2022).

Perspectives divergentes :
Pour l’Institut Montaigne (2022), ces actions montrent une réelle prise de conscience du gouvernement sur les enjeux stratégiques liés à l’autonomie industrielle et énergétique. Mais certains analystes plus critiques soulignent que la politique initiale de privatisations contradictoires a brouillé le message clair en faveur de la souveraineté économique, tandis que les hésitations sur le nucléaire ont retardé des investissements nécessaires à l’indépendance énergétique du pays (Le Monde diplomatique, 2022).

II.D. Promesses sécurité et immigration

Promesses initiales :
En matière de sécurité et d’immigration, Emmanuel Macron promettait explicitement :

  • De renforcer fortement les moyens de sécurité intérieure (effectifs policiers et matériels).

  • De mieux contrôler les flux migratoires tout en garantissant une politique « humaine et réaliste ».

  • De moderniser l’organisation de la justice pénale, notamment en accélérant les procédures judiciaires.

Résultats obtenus :
Le mandat Macron se traduit concrètement par une augmentation notable du budget et des effectifs policiers, conformément aux promesses initiales. Dès 2017-2018, les moyens matériels et humains de la sécurité intérieure sont renforcés de manière significative (Assemblée nationale, 2022).

Concernant l’immigration, la loi « asile et immigration » de 2018 durcit sensiblement les conditions d’accueil des migrants tout en simplifiant certaines procédures administratives d’accueil, conformément au discours initial d’équilibre entre fermeté et humanité.

En matière de justice, plusieurs réformes visent à simplifier et accélérer les procédures pénales, avec des résultats mitigés, mais néanmoins réels : augmentation progressive du budget de la justice, numérisation partielle des procédures, organisation d'États généraux de la justice fin 2021 (Ministère de la Justice, 2022).

Perspectives divergentes :

Si les syndicats policiers et certains analystes estiment que le président a globalement tenu ses engagements de sécurité intérieure, la gestion concrète du maintien de l’ordre pendant la crise des « gilets jaunes » est fortement critiquée par Amnesty International (2022) pour des atteintes répétées aux libertés fondamentales.

En matière d’immigration, certaines associations d’aide aux migrants dénoncent un durcissement excessif des règles d’accueil, alors que d’autres voix politiques jugent au contraire les actions gouvernementales insuffisantes pour réellement contrôler l’immigration (Cimade, 2022).

II.E. Promesses européennes et internationales

Promesses initiales :
Emmanuel Macron avait promis de replacer la France au cœur de l’Europe en renforçant significativement l’intégration européenne et en faisant émerger une Europe plus souveraine, protectrice et solidaire. Ce discours ambitieux avait été symbolisé par son célèbre « Discours de la Sorbonne » en septembre 2017.

Résultats obtenus :
Le mandat Macron permet effectivement d’obtenir certains succès européens notables : l’accord inédit sur le plan de relance européen post-Covid en 2020 (750 milliards d’euros), proposé conjointement avec l’Allemagne, représente une avancée majeure vers une solidarité européenne renforcée (Commission européenne, 2020).

En revanche, sur le plan international, le bilan diplomatique reste contrasté. Malgré une implication forte du président sur plusieurs dossiers internationaux (Liban, Sahel, Ukraine), les résultats concrets obtenus restent limités, voire négatifs dans certains cas, comme lors de la crise diplomatique majeure liée à l’annulation du contrat des sous-marins par l’Australie en 2021 (« crise AUKUS »).

Perspectives divergentes :
Pour certains observateurs pro-européens comme la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol, 2022), Macron a réussi à replacer la France au cœur des dynamiques européennes. Mais d’autres analyses indépendantes, notamment du Monde diplomatique (2022), soulignent que les ambitions affichées n’ont souvent pas été concrétisées par des résultats tangibles, en particulier sur la scène diplomatique mondiale, où l’influence française demeure limitée par des contraintes structurelles et géopolitiques fortes.

III. Quels impacts réels sur la vie quotidienne des Français ?

Au-delà du respect formel des promesses électorales, ce qui intéresse concrètement les Français est de savoir comment les politiques menées par Emmanuel Macron ont effectivement changé leur quotidien, leur emploi, leur pouvoir d’achat et leurs conditions de vie réelles durant ces cinq années.

III.A. Impact sur l’emploi et le chômage

Sur le plan statistique, les résultats obtenus en matière de chômage sont indéniablement positifs. Le taux de chômage est passé de 9,5 % début 2017 à environ 7,4 % début 2022, son plus bas niveau depuis plus de dix ans selon l’INSEE (2022). Cette baisse reflète une dynamique favorable d’embauches dans le secteur privé, accélérée par les réformes du marché du travail réalisées en début de mandat, ainsi que par les mesures exceptionnelles de soutien à l’emploi durant la crise sanitaire (« quoi qu’il en coûte »).

Toutefois, ce résultat global masque une réalité plus nuancée. La qualité réelle des emplois créés durant cette période a été très variable. Ainsi, selon France Stratégie (2022), une part importante des emplois nouveaux créés sous le mandat Macron sont des emplois temporaires, en intérim ou à temps partiel. Le sentiment de précarité reste ainsi très fort, particulièrement chez les jeunes, dont plus de la moitié ont connu au moins un contrat court ou précaire durant le quinquennat (Observatoire des inégalités, 2022).

Par ailleurs, si le chômage a effectivement baissé, le nombre de personnes dans le « halo du chômage » (personnes sans emploi mais non officiellement comptabilisées comme chômeurs, découragées ou en sous-emploi) reste élevé, autour d’1,8 million de personnes selon l’INSEE (2022). Pour ces Français, l’amélioration statistique du chômage ne se traduit donc pas nécessairement par une amélioration réelle de leur quotidien ou de leur confiance dans l’avenir.

III.B. Impact concret sur le pouvoir d’achat des Français

La question centrale du pouvoir d’achat a été au cœur des préoccupations des Français tout au long du mandat. Sur le plan statistique global, l’INSEE et le Conseil d’analyse économique (CAE, 2022) indiquent une amélioration réelle mais modérée du pouvoir d’achat moyen des ménages durant ces cinq années, notamment grâce à deux mesures importantes : la suppression progressive de la taxe d’habitation pour 80 % des Français et la hausse substantielle de la prime d’activité.

Concrètement, ces mesures ont permis à plusieurs millions de ménages modestes ou issus des classes moyennes de réaliser des économies de plusieurs centaines d’euros chaque année (Cour des comptes, 2022). Toutefois, cette amélioration moyenne masque des réalités concrètes très diverses selon les catégories sociales, les revenus, et les territoires.

Ainsi, dès 2018, la hausse brutale des prix des carburants et de l’énergie avait déclenché la crise sociale majeure des « gilets jaunes », révélant un fort sentiment d’injustice fiscale et une réelle baisse ressentie du pouvoir d’achat chez de nombreux Français vivant hors des grandes métropoles (Elabe, 2022). Depuis, malgré la suspension de la hausse de la taxe carbone, le coût de l’énergie, du carburant, du logement ou encore de l’alimentation a continué à augmenter fortement, accentué encore par la crise ukrainienne de 2022.

Selon la Fondation Abbé Pierre (2022), ces hausses de coûts incompressibles (logement, énergie, carburant) ont ainsi effacé une partie importante des gains de pouvoir d’achat obtenus par certaines mesures sociales. Cela explique le décalage très net entre l’amélioration statistique du pouvoir d’achat moyen affichée par les autorités publiques et le ressenti négatif de nombreux ménages français sur leur situation économique quotidienne durant le mandat Macron.

III.C. Impact sur les inégalités sociales et territoriales

La réduction des inégalités était l’un des enjeux majeurs promis par Emmanuel Macron en 2017. Pourtant, cinq ans après, les résultats apparaissent très contrastés.

Statistiquement, selon l’INSEE (2022), l’indice global de mesure des inégalités (indice de Gini) est resté globalement stable pendant le mandat. Cette stabilité signifie que les inégalités n’ont ni fortement augmenté ni diminué, malgré certaines mesures sociales positives comme la hausse de la prime d’activité ou la suppression de la taxe d’habitation.

Toutefois, cette stabilité globale masque de fortes disparités concrètes. La Fondation Abbé Pierre (2022) et l’Observatoire des inégalités (2022) insistent particulièrement sur les difficultés croissantes d’accès au logement pour les ménages modestes, notamment en zones urbaines. La crise sanitaire (Covid-19) a par ailleurs aggravé les écarts entre les ménages aisés et les plus fragiles, notamment dans l’accès à l’emploi stable ou au télétravail.

Les inégalités territoriales restent particulièrement marquées. Malgré le plan « France Relance », de nombreux territoires ruraux ou périphériques continuent à connaître une dégradation des services publics (fermeture d’écoles, hôpitaux de proximité, transports publics insuffisants), renforçant encore le sentiment de déclassement ou d’abandon territorial exprimé fortement lors des crises sociales du mandat (Observatoire des territoires, 2022).

III.D. Perception réelle du mandat par les Français

Au-delà des statistiques, la perception des citoyens français eux-mêmes sur ce mandat présidentiel est essentielle. Sur ce point, plusieurs baromètres d’opinion (CEVIPOF, Elabe, Ipsos) révèlent un ressenti très mitigé, voire négatif, d’une grande partie de la population.

Dès fin 2018, la crise sociale des « gilets jaunes » a mis en lumière un profond sentiment d’injustice fiscale et sociale, ainsi qu’une défiance envers le pouvoir en place. Le sentiment dominant, selon l’institut Ipsos (2022), était celui d’une politique essentiellement favorable aux catégories sociales aisées et urbaines, au détriment des ménages populaires ou issus des classes moyennes inférieures.

Cette perception négative s’est confirmée lors de la contestation de la réforme des retraites fin 2019-début 2020, et malgré une amélioration temporaire de la popularité du président au début de la crise sanitaire du Covid-19, elle est restée globalement très critique tout au long du quinquennat (CEVIPOF, 2022).

Selon les enquêtes d’Elabe (2022), une majorité de Français estime ainsi que, malgré certaines améliorations statistiques globales (emploi, pouvoir d’achat), leur quotidien réel ne s’est pas réellement amélioré et demeure marqué par une précarité persistante, voire aggravée.

III.E. Limites réelles des indicateurs et ressentis

Toutefois, l’évaluation rigoureuse des impacts réels du mandat doit prendre en compte explicitement les limites méthodologiques importantes des indicateurs statistiques comme des perceptions subjectives.

Premièrement, les indicateurs statistiques (taux de chômage, pouvoir d’achat moyen) peuvent masquer des réalités très différentes selon les catégories sociales ou les territoires. Par exemple, la baisse statistique du chômage ne tient pas compte de la précarité accrue des nouveaux emplois créés, ni du « halo » de chômage qui concerne près de 2 millions de Français découragés ou sous-employés (France Stratégie, 2021).

Deuxièmement, les perceptions subjectives de la population sont fortement influencées par le contexte médiatique immédiat (crises, événements récents, polémique politique). Ainsi, la crise des « gilets jaunes » ou la crise sanitaire ont pu exacerber une vision négative du mandat, même lorsque des mesures positives étaient effectivement mises en œuvre par ailleurs (Charaudeau, 2015).

Enfin, la confrontation entre indicateurs statistiques et ressentis subjectifs reste délicate : les résultats économiques positifs (hausse statistique du pouvoir d’achat, baisse du chômage) peuvent coexister avec un sentiment négatif et durable de précarité ou d’injustice sociale chez beaucoup de citoyens (Desrosières, 2010).

Ces limites méthodologiques doivent donc être clairement rappelées pour permettre une compréhension objective, nuancée et démocratiquement pertinente des résultats réels du mandat présidentiel d’Emmanuel Macron.

IV. Gouvernance et libertés publiques : synthèse rapide

Durant son mandat (2017-2022), Emmanuel Macron a été régulièrement critiqué sur la manière dont il a exercé concrètement le pouvoir politique, tant au niveau institutionnel que sur la question sensible des libertés publiques.

Sur le plan institutionnel, son quinquennat a été marqué par une très forte concentration du pouvoir présidentiel. L’usage fréquent des ordonnances (notamment pour la réforme du marché du travail en 2017 ou de la SNCF en 2018) a été critiqué par certains observateurs comme une forme de marginalisation du Parlement, limitant le débat démocratique public et les possibilités d’amendement parlementaire des réformes majeures (Chevallier, 2021).

La gestion des crises majeures, telles que celle des « gilets jaunes » (2018-2019) et du Covid-19 (2020-2022), a également suscité des critiques importantes. Si l’exécutif a agi de manière volontariste et rapide face à la pandémie, avec des soutiens financiers exceptionnels (« quoi qu’il en coûte »), plusieurs rapports parlementaires (Assemblée nationale, Sénat, 2021) ont mis en avant certains dysfonctionnements dans la transparence ou la réactivité des pouvoirs publics, notamment au début de la crise sanitaire (gestion des masques, des tests, etc.).

Enfin, en matière de libertés publiques, le quinquennat Macron a été marqué par plusieurs controverses majeures. Amnesty International (2022) ou encore la Ligue des droits de l’Homme ont critiqué sévèrement la gestion sécuritaire de certaines manifestations, notamment durant la crise des « gilets jaunes », dénonçant un usage excessif et répété de la force par les autorités publiques françaises. La loi « sécurité globale » adoptée en 2021 (partiellement censurée par le Conseil constitutionnel) a également alimenté ces critiques, certains analystes y voyant une atteinte potentielle aux libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression et de la presse (Reporters sans frontières, 2022).

Toutefois, certaines initiatives démocratiques positives méritent d’être mentionnées : l’organisation du « Grand débat national » en 2019 pour répondre à la crise des « gilets jaunes », ou encore le lancement en 2021 des « États généraux de la justice » pour réformer ce secteur crucial. Ces démarches, bien qu’imparfaites, témoignent malgré tout d’un effort de l’exécutif pour répondre à certaines critiques démocratiques ou institutionnelles formulées durant le mandat.

En résumé, le bilan démocratique et institutionnel d’Emmanuel Macron apparaît contrasté : si la gouvernance présidentielle a parfois été jugée excessive, voire autoritaire par ses opposants, elle a également fait preuve d’une réelle capacité de réaction démocratique à travers des initiatives ponctuelles de consultation et de débat public.

Conclusion

Le mandat présidentiel d’Emmanuel Macron (2017-2022) révèle un bilan complexe et contrasté, loin des simplifications habituelles. D’un côté, plusieurs engagements électoraux importants ont été effectivement tenus : baisse statistique du chômage grâce à une réforme profonde du marché du travail, augmentation moyenne du pouvoir d’achat des Français grâce à des mesures ciblées comme la suppression de la taxe d’habitation, et initiatives significatives pour renforcer la souveraineté industrielle et européenne du pays.

Toutefois, ce bilan positif en apparence masque des réalités concrètes bien plus mitigées. Si le chômage a baissé globalement, la précarité de l’emploi demeure très forte, notamment chez les jeunes. Si le pouvoir d’achat moyen s’est légèrement amélioré, beaucoup de ménages modestes ou issus des classes moyennes restent confrontés à des coûts croissants, notamment sur l’énergie, le logement et le carburant. De même, les inégalités sociales et territoriales persistent, nourrissant un fort sentiment d’injustice et de déclassement chez une partie significative de la population, particulièrement visible durant les crises des « gilets jaunes » et des retraites.

Sur le plan démocratique, le mandat Macron a été marqué par une gouvernance parfois critiquée comme trop verticale ou autoritaire, avec des atteintes controversées aux libertés publiques. Néanmoins, certaines initiatives démocratiques positives, comme le Grand débat national ou les États généraux de la justice, témoignent malgré tout d’efforts pour répondre à ces critiques.

En définitive, le bilan réel du mandat présidentiel d’Emmanuel Macron apparaît comme profondément nuancé. Il est marqué par des progrès réels dans certains domaines clés (emploi, compétitivité économique), mais aussi par des limites importantes et durables sur les questions de précarité, d’inégalités, et de confiance démocratique. Comprendre clairement ce bilan complexe constitue un enjeu essentiel pour chaque citoyen français, lui permettant ainsi de juger en toute liberté et responsabilité démocratique les cinq années écoulées et les défis encore ouverts pour l’avenir du pays.