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Terre plate / Terre ronde : Les faits
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La Terre est-elle plate ?
À cette question, beaucoup répondront d’un sourire, comme si elle ne méritait plus d’être posée. Et pourtant, elle l’est — de plus en plus fréquemment — dans des vidéos, des conférences, des forums, des conversations entre amis, ou même dans certaines classes. Il ne s’agit pas ici d’une plaisanterie, mais d’un phénomène bien réel : celui de la remise en question, parfois virulente, de la rotondité de la Terre, au profit d’un modèle plat, alternatif, revendiqué comme plus “logique”, “empirique”, ou “accessible”.
Comment expliquer qu’une représentation aussi élémentaire que celle d’une Terre sphérique — solidement fondée depuis plus de deux mille ans — fasse aujourd’hui l’objet de doutes, voire d’un rejet actif, dans certains cercles ? Cette situation ne relève ni de l’ignorance pure, ni d’une simple dérive conspirationniste. Elle traduit une crise du rapport au savoir scientifique : défiance envers les institutions, réhabilitation de l’expérience personnelle, valorisation du doute comme méthode.
Plutôt que de disqualifier d’emblée cette question, cet article propose d’y répondre sérieusement, rigoureusement et sans condescendance. Cela implique plusieurs choses :
D’abord, revenir à l’histoire des représentations de la Terre, depuis les cosmologies anciennes jusqu’aux systèmes savants modernes, pour situer ce débat dans la longue durée (Partie I).
Ensuite, analyser le mouvement platiste contemporain, ses figures, ses motivations, ses expériences, et la cohérence interne de ses discours (Partie II).
Puis, examiner ses arguments un à un, en confrontant les raisonnements avancés à l’état des connaissances physiques et géométriques (Parties III et IV).
Enfin, montrer comment la sphéricité de la Terre est mise à l’épreuve dans la pratique : navigation, satellites, cartographie, météorologie — autant d’usages qui reposent sur une géométrie cohérente avec le globe (Parties V et VI).
Cette enquête, enfin, ne serait pas complète sans une réflexion sur les raisons profondes pour lesquelles la question ressurgit aujourd’hui : sentiment d’exclusion, soif d’autonomie cognitive, effet des réseaux numériques, ou échec de certaines formes de pédagogie (Partie VII).
Ce que nous cherchons ici, ce n’est pas imposer une vérité, mais exposer une démonstration. Il ne suffit pas de dire que la Terre n’est pas plate ; encore faut-il comprendre pourquoi, comment on le sait, et pourquoi certains en doutent encore. Car une vérité scientifique, pour être partagée, doit être non seulement démontrée, mais aussi montrable, accessible et intelligible.
I. Histoire des représentations de la Terre : savoirs, oublis et controverses
La question de la forme de la Terre ne relève pas d’une simple opposition entre “ancienneté ignorante” et “modernité éclairée”. Elle résulte d’une construction progressive, faite de débats, de mesures, de traditions divergentes, et d’oublis partiels. À différentes époques et dans différentes cultures, la Terre fut tour à tour conçue comme un disque, une montagne, une île flottante ou une sphère, selon les usages — théologiques, astronomiques ou politiques — que l’on faisait de sa représentation.
I.1 – Modèles anciens : cosmogonies, sphères, disques et représentations mixtes
Les premières cosmologies écrites (en Mésopotamie, Égypte, Inde, Chine) conçoivent la Terre comme un disque plat flottant sur les eaux. Dans l’Enuma Elish babylonien (XVIIe s. av. J.-C.), la Terre est un plan séparant les “eaux d’en haut” et les “eaux d’en bas” (Lambert, 2013). Dans les textes védiques, elle est décrite comme une plaine entourée d’océans circulaires, centrée sur le mont Meru (Rig Veda, vers XVe–Xe s. av. J.-C., cf. Pingree, 1981).
Ces conceptions ne sont pas naïves : elles traduisent un ordre du monde symbolique. Comme le rappelle Mircea Eliade, “la Terre n’est pas tant un objet que l’espace de l’habitation ordonnée” (Le Mythe de l’éternel retour, 1949).
Dans la tradition grecque, l’idée de sphéricité apparaît dès le Ve siècle av. J.-C., avec Parménide, Pythagore, puis Platon (Timée, 33b). C’est Aristote (384–322 av. J.-C.) qui propose les premières justifications empiriques dans De Caelo (II, 14) :
la forme de l’ombre de la Terre sur la Lune pendant les éclipses ;
la disparition des navires par la coque à l’horizon ;
la variation des constellations visibles selon la latitude.
Ces arguments font de la Terre une sphère finie, placée au centre de l’univers géocentrique.
« Toutes les observations disponibles nous conduisent à penser que la Terre est sphérique et non plane. »
— Aristote, De Caelo, II, 14, trad. J. Tricot, Vrin, 2005
I.2 – Forme de la Terre et savoirs classiques : Grèce, Inde, monde islamique
En Grèce hellénistique, Ératosthène de Cyrène (276–194 av. J.-C.), directeur de la bibliothèque d’Alexandrie, mesure la circonférence terrestre en comparant l’angle de l’ombre d’un gnomon à Syène et Alexandrie au solstice d’été. Il obtient une estimation de 39 375 km, remarquablement proche des 40 075 km mesurés aujourd’hui (Rawlins, 1982 ; Berggren & Sidoli, 2007).
Dans le monde indien, des textes comme le Surya Siddhanta (~IVe–Ve siècle) intègrent la Terre comme une sphère, calculent son diamètre en yojanas, et modélisent la durée du jour et les éclipses (Pingree, 1981).
Dans le monde islamique, Al-Farghānī (IXe siècle), dans son Kitāb fī Jawāmiʿ ʿIlm al-Nujūm, traduit et synthétise les données ptoléméennes, avec une estimation du rayon terrestre d’environ 6 500 km (Toomer, 1996). Plus tard, Al-Bīrūnī (973–1048), dans son Al-Qānūn al-Masʿūdī, développe une méthode trigonométrique originale basée sur la dépression de l’horizon, estimant le rayon de la Terre à 6 339,6 km, avec une erreur inférieure à 1 % (Rashed & Morelon, 1996).
« L’ombre descendue sous l’horizon permet de calculer avec rigueur le rayon de la Terre. »
— Al-Bīrūnī, Al-Qānūn al-Masʿūdī, trad. N. Khanikoff, 1879
I.3 – Continuité du modèle sphérique dans le Moyen Âge latin et arabe
Contrairement à une idée reçue popularisée par Washington Irving au XIXe siècle, le Moyen Âge ne croyait pas majoritairement à une Terre plate. Les savants occidentaux médiévaux, tels que Isidore de Séville (Etymologiae, VIIe s.), parlent d’une “Terra orbis” sphérique ; Jean de Sacrobosco (vers 1230) écrit dans son Tractatus de Sphaera :
« Terra est sphaerica, cuius centrum est in medio mundi. »
Ce manuel reste un ouvrage de référence jusqu’au XVIIe siècle (Thorndike, 1949). Les figures majeures de la scolastique (Albert le Grand, Thomas d’Aquin) intègrent la sphéricité dans leur cosmologie chrétienne.
Dans le monde islamique, les travaux géographiques de Al-Idrīsī (XIIe siècle), les observations de Nasīr al-Dīn al-Tūsī (XIIIe siècle) ou de Shams al-Dīn al-Khafrī (XVIe siècle) s’inscrivent dans une tradition pleinement sphérique et astronomique, comme l’a montré Régis Morelon (2000).
« Il est désormais bien établi que les savants du Moyen Âge, musulmans comme chrétiens, ne croyaient pas que la Terre était plate. »
— Jeffrey Burton Russell, Inventing the Flat Earth, 1991
I.4 – Mesures, explorations et reformulations : Renaissance et âge classique
Les grandes découvertes du XVe siècle ne viennent pas “prouver” que la Terre est ronde : elles s’appuient sur ce savoir. Christophe Colomb connaissait la sphéricité terrestre, mais sous-estimait sa circonférence. L’expédition de Magellan-Elcano (1519–1522) réalise la première circumnavigation complète du globe, illustrant empiriquement sa fermeture.
Au XVIIe siècle, Isaac Newton postule, dans les Principia Mathematica (1687), que la Terre est légèrement aplatie aux pôles par la force centrifuge liée à sa rotation. Ce point fait débat : les Cassini défendent l’idée inverse, mais les missions de La Condamine (Pérou) et Maupertuis (Laponie), mandatées par l’Académie des sciences (1735–1744), tranchent en faveur du modèle newtonien (Roche, 1998).
« Par leur exactitude, ces mesures géodésiques ont changé notre compréhension de la Terre. »
— Pierre Bouguer, La Figure de la Terre, 1749
À la fin du XVIIIe siècle, le mètre est défini comme un dix-millionième du quart du méridien terrestre : la forme sphéroïdale de la Terre devient une référence physique pour les unités de mesure (Verdet, 1996).
I.5 – Du consensus moderne aux remises en question contemporaines
Au XIXe siècle, le modèle sphérique est universellement enseigné et utilisé, mais quelques figures, comme Samuel Rowbotham, réactivent la thèse d’une Terre plate dans son ouvrage Zetetic Astronomy: Earth Not a Globe (1865), en s’appuyant sur des expériences visuelles (canaux, niveaux à bulle) et une critique du “dogme newtonien”. Ce courant donne naissance à la Universal Zetetic Society (1870), précurseur de la Flat Earth Society fondée en 1956.
Au XXIe siècle, la diffusion des réseaux numériques permet à ces idées de connaître un nouvel essor, grâce à des formats vidéos viraux, des communautés en ligne, et une défiance accrue envers les institutions. Des figures comme Mark Sargent ou Eric Dubay réactivent ces arguments avec une rhétorique participative, expérimentale et anti-autoritaire (Landrum, 2018).
II. Le mouvement platiste contemporain : structure, principes et motivations
La remise en question du modèle sphérique de la Terre n’est pas limitée à une période ancienne. Depuis le XIXᵉ siècle, et plus encore depuis la décennie 2010, un mouvement structuré et international défend activement une représentation plate de la Terre. Cette position ne repose pas uniquement sur la foi religieuse ou le rejet aveugle de la science, mais sur une combinaison de pratiques expérimentales, d’engagement communautaire et de critique épistémique. Comprendre ce mouvement suppose d’en examiner les acteurs, les modes de diffusion, les démarches expérimentales et les principes fondamentaux du raisonnement qu’il mobilise.
II.1 – Acteurs, canaux de diffusion, formes d’argumentation
Contrairement à une image réductrice souvent véhiculée dans les médias, les personnes impliquées dans le mouvement platiste forment un ensemble socialement et cognitivement hétérogène. On y trouve :
des autodidactes passionnés de science “hors système” ;
des croyants rattachés à des lectures littérales de textes religieux ;
des figures médiatiques spécialisées dans le “fact-checking amateur” ou la critique des institutions ;
des individus en quête de cohérence personnelle et d’un cadre explicatif alternatif.
Ce mouvement a gagné en ampleur avec l’essor des plateformes de diffusion vidéo et sociale :
Sur YouTube, des chaînes comme Jeranism, DITRH (David Weiss), ou ODD TV rassemblent des centaines de milliers d’abonnés.
Des figures visibles comme Mark Sargent (Flat Earth Clues, 2015) ou Eric Dubay (The Flat Earth Conspiracy, 2014) ont systématisé les principaux arguments en formats courts, viraux et accessibles.
Des conférences ont vu le jour : la Flat Earth International Conference (FEIC) aux États-Unis, entre 2017 et 2019, a rassemblé des centaines de participants venus tester, démontrer ou partager leurs convictions. D’après une enquête menée par Asheley R. Landrum (Texas Tech University), la majorité des participants avait été “convertie” par le visionnage de vidéos YouTube, et non par une influence religieuse directe (Landrum et al., 2018).
II.2 – Démarches expérimentales : reproduction locale, observation directe, modèles alternatifs
Au cœur du discours platiste se trouve une volonté de reproduire les preuves à une échelle locale et accessible. Il ne s’agit pas uniquement de croire ou de spéculer, mais de tester soi-même à l’aide d’expériences concrètes. Ces démarches sont valorisées comme plus honnêtes, plus transparentes et plus proches du “vrai esprit scientifique”.
Parmi les dispositifs fréquemment employés :
des lasers alignés sur plusieurs kilomètres au ras de l’eau (lacs, canaux) pour détecter l’absence de courbure ;
des caméras embarquées sur ballons atteignant 30–35 km d’altitude, supposément montrant un horizon plat ;
des tests optiques avec zooms, jumelles ou téléscopes, visant à “ramener” dans le champ de vision des objets censés être dissimulés par la courbure ;
des modélisations simplifiées du mouvement du Soleil au-dessus d’un disque, basées sur des cartes azimutales (projection équidistante centrée sur le pôle Nord).
Ces expérimentations sont valorisées par leur accessibilité et leur effet visuel : elles cherchent à montrer, non à démontrer par abstraction. Elles s’inscrivent dans ce que les membres appellent souvent une “science du peuple” (people’s science), opposée à une science technocratique et théorique.
« L’objectif n’est pas de convaincre tout le monde, mais d’apprendre à vérifier par soi-même ce qu’on vous a enseigné. »
— Dave Weiss, conférence FEIC 2018
II.3 – Principes épistémiques récurrents : empirisme radical, défiance institutionnelle, autonomie critique
Au-delà des expériences et des modèles, le mouvement platiste repose sur des principes épistémologiques distincts de ceux de la science académique. Trois dimensions se détachent nettement :
II.3.a) L’observation directe comme critère suprême
Le fondement ultime de la validité d’un énoncé est, pour les platistes, l’expérience visuelle personnelle. Si un phénomène ne peut être vu ou vérifié localement, il est a priori suspect. Cette posture, proche d’un empirisme radical, considère la médiation instrumentale comme source de doute.
Cette forme de “réalisme perceptif” est documentée par Jean-François Dortier (Sciences humaines, 2021) comme l’une des clés du rejet des modèles globaux : ce qui est modélisé mais non visible est disqualifié.
II.3.b) Une défiance structurelle envers les institutions
Les institutions scientifiques (NASA, ESA, universités, CNES) sont souvent perçues non comme productrices de savoir fiable, mais comme détentrices d’un discours contrôlé, difficilement vérifiable, parfois idéologiquement orienté.
Cette défiance est alimentée par des précédents (mensonges d’État, scandales scientifiques, conflits d’intérêts) et par une distance ressentie entre experts et citoyens. Comme le résume Dominique Pestre, la science “souffre d’un défaut de visibilité de ses procédures de validation” (Science, argent et politique, 2015).
II.3.c) L’autonomie cognitive comme norme
Dans les discours platistes, la vérification personnelle devient une obligation morale et épistémique. Le slogan “Do Your Own Research” n’est pas une simple injonction : c’est un mode de vie intellectuel, valorisé comme plus sincère, plus libre, et plus critique que l’adhésion au consensus scientifique.
Cela ne signifie pas nécessairement un refus de la méthode scientifique, mais plutôt une tentative de la réinterpréter dans un cadre plus individuel, voire artisanal.
« L’autonomie intellectuelle devient un critère de vérité plus fort que la publication dans une revue. »
— Landrum, Flat Earth Belief as Epistemic Individualism, 2018
III. Objections platistes : expériences, arguments et raisonnements
Le discours platiste contemporain ne se limite pas à une contestation abstraite du modèle sphérique : il s’appuie sur un ensemble d’observations empiriques, d’expériences reproductibles (à leur échelle) et d’arguments logiques présentés comme des “preuves” contre la rotondité de la Terre. Ces objections s’articulent autour d’un rejet des preuves indirectes, d’une valorisation de l’observation directe, et d’une critique des outils institutionnels. Cette partie propose de les examiner, dans leur logique propre d’abord, puis en les replaçant dans le cadre des connaissances physiques et géométriques établies.
III.1 – L’horizon est plat et ne montre aucune courbure
De nombreuses vidéos publiées sur YouTube ou TikTok montrent des horizons filmés depuis :
le sol (plage, désert, étendue plane),
un avion de ligne (~10 000 m),
un ballon-sonde (~30–35 km).
Dans tous les cas, l’horizon apparaît plat à l’œil nu ou à travers la caméra. Les platistes en concluent que, si la Terre était sphérique, une courbure notable devrait être visible.
Pourtant, les calculs géométriques confirment que la courbure terrestre devient à peine perceptible à 10 km, et modérément visible à 30–35 km, uniquement avec une caméra stabilisée, un large champ de vision et une focale non déformante (non fish-eye). À 10 km d’altitude, l’horizon descend de ~3°, ce qui est invisible sans repères visuels.
« À 35 km d’altitude, la courbure est détectable par caméra à objectif étroit, mais reste indiscernable à l’œil nu. »
— David Lynch, Sky Phenomena: A Guide to Naked Eye Observation, Springer, 2000
III.2 – L’horizon reste toujours à hauteur d’œil, même en altitude
Les platistes affirment que, dans un avion, l’horizon reste visuellement aligné avec l’œil du passager, alors que sur une sphère, il devrait s’abaisser. Cette observation est rapportée comme une “preuve intuitive” d’une surface plane.
Or, cette impression résulte d’un phénomène physiologique et perceptif : notre cerveau ajuste automatiquement la ligne de regard pour maintenir la stabilité de l’horizon perçu (illusion d’alignement). En réalité, des instruments comme les gyroscopes ou altimètres laser détectent la légère dépression de l’horizon avec précision.
« La perception de l’horizon comme aligné est une illusion naturelle. Le dip réel est mesurable : 3,3° à 10 000 m d’altitude. »
— FAA Pilot’s Handbook of Aeronautical Knowledge, 2020
III.3 – On ne voit pas la courbure, même à très haute altitude
Certaines expériences amateur avec des ballons météo filmant jusqu’à 35 km d’altitude montrent un horizon plat. Cela est interprété comme une preuve directe de la planéité.
Cependant, à cette altitude :
le rayon de l’horizon est de ~600 km,
la courbure correspond à une déviation d’environ 5 km sur toute la ligne.
Cette courbure est trop faible pour être perceptible sans repère géométrique. Des expériences contrôlées avec grilles calibrées, focales fixes, et horizons visuels confirmés montrent une courbure cohérente avec le modèle sphérique.
« L'absence de courbure visible ne réfute pas la rotondité terrestre. Elle illustre les limites physiologiques et instrumentales à l’échelle du champ de vision. »
— NOAA, Earth Geometry and Satellite Observation Manual, 2017
III.4 – Si la Terre tournait, on le sentirait
Les platistes avancent que si la Terre tournait à 1 670 km/h à l’équateur, cela devrait être perceptible sous forme de vent, de vertige, ou de déstabilisation.
La science physique répond par le principe d’inertie : un mouvement rectiligne uniforme n’est pas ressenti en l’absence d’accélération. Tous les éléments présents à la surface de la Terre (atmosphère comprise) partagent ce mouvement, ce qui annule toute sensation de vitesse.
La rotation terrestre est mesurable par des moyens instrumentaux :
le pendule de Foucault (1851),
l’effet Coriolis (dans les cyclones et les courants marins),
les centrales inertielles utilisées en aviation et en balistique.
« On ne ressent pas la rotation de la Terre pour la même raison qu’un passager d’avion ne sent pas le déplacement en vol stabilisé. Mais elle est mesurable avec précision. »
— Neil deGrasse Tyson, Astrophysics for People in a Hurry, 2017
III.5 – Les avions ne compensent pas la courbure
Certains pilotes (ou observateurs) affirment que les avions ne corrigent pas leur assiette pour “suivre la courbure”, ce qui serait incohérent avec un globe.
En réalité, maintenir une altitude constante revient précisément à suivre une courbe alignée avec la surface terrestre. Les gyroscopes de bord et les pilotes automatiques assurent en continu cette correction d’assiette, imperceptible pour le pilote.
Les routes aériennes intercontinentales sont calculées sur des grands cercles (orthodromies), ce qui n’est cohérent qu’en géométrie sphérique.
« Voler à altitude constante sur un globe correspond à une trajectoire courbe dans l’espace, mais droite dans le référentiel terrestre. »
— ICAO, Manual on Air Navigation, 2019
III.6 – L’eau ne peut pas “coller” à une boule
L’argument souvent cité : “L’eau cherche le bas. Si la Terre est ronde, l’eau tomberait ou glisserait.”
Mais sur une sphère, la gravité agit vers le centre de masse. Le “bas” est donc localement vertical partout, ce qui maintient l’eau sur la surface.
La force centrifuge due à la rotation terrestre est trop faible (0,3 % de g) pour déstabiliser cette cohésion. Le comportement des océans, des marées et des fluides atmosphériques est modélisé précisément par la géophysique contemporaine.
« L’eau ne s’écoule pas d’une sphère, car la gravité agit radialement. La forme de la Terre est intégrée dans tous les calculs d’hydrodynamique à grande échelle. »
— IERS Conventions, Geophysical Earth Reference Models, 2020
III.7 – Les images de la Terre sont fausses, modifiées ou incohérentes
Les platistes accusent les images diffusées par les agences spatiales (NASA, ESA) d’être générées par ordinateur, donc peu fiables.
Il est vrai que certaines images sont composites, c’est-à-dire assemblées à partir de données multiples. Mais des satellites comme Himawari-8 ou DSCOVR EPIC prennent des images intégrales et en temps réel, depuis des orbites géostationnaires ou lointaines (point L1).
Ces images sont vérifiables, ouvertes au public, et cohérentes avec les observations terrestres (nuages, éclipses, tempêtes).
« Les images composites ne sont pas des fabrications. Elles sont issues d’assemblages de données multispectrales, selon des protocoles publics et documentés. »
— NASA Earth Observatory, Blue Marble Revisited, 2017
III.8 – Les satellites n’existent pas / sont suspendus à des ballons
Certains suggèrent que les satellites sont fictifs ou remplacés par des ballons stratosphériques.
Mais :
les satellites sont visibles à l’œil nu (ISS, Starlink) ;
ils suivent des trajectoires orbitales calculables ;
leurs signaux GPS proviennent de l’espace (vérifiable par triangulation).
Les ballons, bien réels, n'ont ni l’altitude, ni la stabilité, ni la portée pour reproduire ces fonctions. De plus, des données télémétriques issues de radars civils et militaires tracent les satellites en temps réel.
« Le GPS, l’imagerie terrestre et les télécommunications satellitaires sont incompatibles avec une origine atmosphérique ou terrestre des signaux. »
— European GNSS Agency, Understanding Satellite Infrastructure, 2021
III.9 – Les expériences avec lasers, niveaux et ballons prouvent une surface plate
Des vidéos d’expériences montrent des faisceaux laser atteignant une cible sur plusieurs kilomètres, sans “perdre de hauteur”. Cela est interprété comme l’absence de courbure.
Cependant :
ces tests ne tiennent pas compte de la réfraction atmosphérique, qui courbe le faisceau vers le bas ;
les alignements sont très sensibles aux erreurs de calibration ;
les mesures géodésiques, corrigées, confirment la courbure.
Les instruments professionnels (nivelle, GPS différentiel) démontrent avec régularité la convexité terrestre. L’effet “Bedford Level” a été réinterprété dès le XIXe siècle par Alfred Russel Wallace grâce à une prise en compte rigoureuse de la réfraction.
III.10 – Le Soleil et la Lune tournent au-dessus d’un disque
Le modèle platiste dominant place le Soleil et la Lune au-dessus d’un disque terrestre, suivant une trajectoire circulaire.
Mais ce modèle échoue à expliquer :
les couchers et levers du Soleil, qui s’effectuent “par le bas” ;
les phases lunaires et les éclipses (impossibles sans une ombre sphérique) ;
les saisons, les variations de durée du jour, ou les observations depuis l’Antarctique.
Les modèles astronomiques fondés sur une Terre sphérique permettent de prédire les éclipses avec une précision de quelques secondes. Aucun modèle plat n’offre cette capacité.
« La capacité prédictive est l’un des critères fondamentaux d’un bon modèle scientifique. Le modèle platiste n’a jamais permis de prédire un phénomène céleste. »
— American Astronomical Society, Educational Resources on Celestial Mechanics, 2020
IV. Modèles platistes et leurs implications physiques
Au-delà de l’ensemble des objections formulées contre le modèle sphérique, les partisans de la Terre plate proposent une cosmologie alternative cohérente à leurs yeux, dans laquelle la Terre est fixe, plate, et entourée d’un dôme ou d’un contour limitant. Cette partie vise à décrire les modèles platistes les plus courants, à identifier les conséquences physiques, géographiques et technologiques qu’ils impliquent, et à en souligner les contradictions internes majeures face aux données disponibles.
IV.1 – Reconstitution des modèles “flat earth” les plus répandus
Le modèle dominant dans les communautés platistes contemporaines repose sur une carte azimutale équidistante centrée sur le pôle Nord :
La Terre y est un disque plat, bordé d’une paroi glaciaire identifiée à l’Antarctique.
Le Soleil et la Lune tournent au-dessus du disque à une altitude supposée de 5 000 km, en suivant des trajectoires circulaires (ou en spirale selon les saisons).
Les étoiles, les planètes et les “cieux” sont fixés à un dôme opaque, souvent assimilé à une “voûte céleste” (cf. Dubay, The Flat Earth Conspiracy, 2014).
La gravité est rejetée ou remplacée par une “force descendante” liée à la densité ou à une pression exercée depuis le haut.
Les satellites sont remplacés dans ce cadre par des ballons, des tours ou des drones volant en permanence.
Ce modèle s’inspire de la Zetetic Astronomy de Samuel Rowbotham (1865), qui proposait une Terre circulaire centrée sur le pôle Nord, basée sur des observations réalisées dans les Fens d’Angleterre. Il est repris aujourd’hui dans les publications de la Flat Earth Society et dans les vidéos de vulgarisateurs comme Dave Weiss (Deep Inside the Rabbit Hole) ou Mark Sargent.
IV.2 – Conséquences physiques, géographiques et technologiques attendues
IV.2.a) Géographie et distances
Le modèle plat implique une distorsion majeure des distances mesurées, notamment dans l’hémisphère Sud. Sur une carte azimutale plate :
Le trajet entre Santiago (Chili) et Sydney (Australie) couvre environ 25 000 km, contre 12 000 km sur le globe terrestre.
Pourtant, ce vol est effectué régulièrement en moins de 14 heures, ce qui est incompatible avec les distances projetées sur une Terre plate.
« La distance entre continents dans l’hémisphère Sud est totalement incohérente avec les durées réelles de vol. »
— Airline Pilot Association (APA), Navigation and Earth Geometry Manual, 2021
IV.2.b) Météorologie, saisons et lumière
L’idée que le Soleil éclaire uniquement une partie du disque terrestre, comme une lampe circulaire suspendue, échoue à expliquer :
la variation progressive de la durée du jour selon la latitude ;
les phénomènes polaires, comme le Soleil de minuit ou la nuit continue ;
la régularité et la symétrie des saisons astronomiques (équinoxes, solstices).
« Le modèle plat ne permet pas de reproduire l’angle d’incidence du Soleil ni les zones d’ensoleillement observées quotidiennement depuis les hautes latitudes. »
— National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), Solar Radiation Geometry Guide, 2020
IV.2.c) Astronomie et mécanique céleste
L’explication des phases de la Lune, des éclipses, ou de la position des étoiles à différentes latitudes est problématique dans le modèle plat :
Les éclipses lunaires impliquent l’ombre d’un objet sphérique : une Terre plate ne peut projeter une ombre toujours circulaire.
La trajectoire des planètes, la précession des équinoxes et les mouvements rétrogrades sont modélisés avec précision par la mécanique céleste newtonienne, mais n’ont pas d’équivalent dans la cosmologie platiste.
« Les modèles platistes sont incapables de générer des éphémérides cohérents. Leur absence de structure dynamique rend les prédictions impossibles. »
— American Astronomical Society, Principles of Celestial Mechanics, 2019
IV.2.d) Gravité et physique fondamentale
Le rejet de la gravité implique un abandon :
de la loi de Newton (F = G × m₁m₂ / r²) ;
de la relativité générale, qui décrit la gravitation comme la courbure de l’espace-temps ;
de toutes les applications fondées sur la gravité : trajectoires balistiques, orbites satellitaires, chute libre, marées.
À ce jour, aucun modèle platiste n’a proposé une formulation mathématique alternative permettant de reproduire ces phénomènes avec une précision comparable.
IV.3 – Points critiques et contradictions internes des modèles platistes
IV.3.a) Incohérences géométriques
Les modèles platistes fondés sur des projections azimutales produisent :
des continents fortement déformés ;
des distances intercontinentales incohérentes avec les temps de vol réels (notamment dans l’hémisphère Sud) ;
des trajectoires de navigation impossibles à réconcilier avec les données GPS.
« Les routes aériennes réelles ne peuvent pas être mappées correctement sur une Terre plate sans recourir à des trajectoires non observées. »
— ICAO, Global Flight Path Analytics, 2021
IV.3.b) Absence de prédictibilité
Aucun des modèles platistes ne permet :
de prédire la date et l’heure exacte d’une éclipse (contrairement au modèle sphérique, précis à la seconde) ;
de modéliser la variation des phases de la Lune selon la latitude ;
de calculer la position des étoiles à une date et un lieu donnés.
IV.3.c) Incompatibilité avec les observations satellites
Les satellites artificiels sont visibles depuis la Terre, suivent des orbites prévisibles, et fournissent des signaux GPS mesurables. Les modèles platistes, en rejetant l’orbite terrestre, sont incapables de :
modéliser la triangulation GPS (qui exige une Terre sphérique) ;
expliquer la cohérence entre les signaux reçus et les positions annoncées des satellites ;
proposer une alternative technologiquement viable.
« Le GPS ne peut fonctionner que dans un système tridimensionnel sphérique. Aucun équivalent ne peut être proposé dans un cadre plan. »
— European GNSS Agency, Positioning Systems Technical Report, 2020
V. Validations empiriques des modèles sphériques
L’un des fondements de la validité scientifique du modèle sphérique réside dans sa capacité à être vérifié empiriquement, par l’expérience et l’observation. Contrairement à l’idée que la rotondité de la Terre reposerait sur une croyance ou une autorité abstraite, elle s’appuie sur une série d’expérimentations reproductibles, simples ou complexes, anciennes ou contemporaines. Cette partie retrace les principales validations expérimentales du modèle sphérique, dans un ordre historique et logique.
V.1 – Mesures anciennes : Ératosthène, Al-Bīrūnī
Dès l’Antiquité, des mesures empiriques ont permis de quantifier la courbure terrestre.
Vers 240 av. J.-C., Ératosthène de Cyrène mesure la circonférence de la Terre en comparant l’angle d’ombre d’un gnomon à Syène (où le Soleil est au zénith au solstice d’été) et à Alexandrie (où une ombre est mesurable au même moment). Il estime la circonférence à environ 39 375 km, très proche des 40 075 km modernes.
« Ératosthène a utilisé des instruments rudimentaires mais une méthode géométrique rigoureuse, fondée sur le théorème des angles alternes-internes. »
— Berggren & Sidoli, The Mathematics of the Greeks and the Shape of the Earth, 2007
Au XIe siècle, Al-Bīrūnī développe une méthode innovante, sans déplacement : en mesurant l’angle de dépression de l’horizon depuis une montagne de hauteur connue, il déduit le rayon terrestre à moins de 1 % d’erreur.
« Cette méthode est remarquable par son élégance géométrique et sa précision, bien qu’elle repose sur des instruments optiques très simples. »
— Ahmad Dallal, Islam, Science, and the Challenge of History, 2010
V.2 – Phénomènes optiques : éclipses, visibilité des astres, disparition à l’horizon
Plusieurs phénomènes accessibles à l’œil nu confirment la courbure terrestre :
Disparition d’un navire à l’horizon : la coque disparaît avant les mâts, ce qui est compatible uniquement avec une surface convexe (Aristote, De Caelo, II, 14).
Variation des constellations avec la latitude : des étoiles visibles dans l’hémisphère Sud (ex. la Croix du Sud) sont invisibles dans le Nord, et vice versa. L’étoile polaire change de hauteur selon la latitude, ce qui est modélisable par la géométrie sphérique.
Éclipses lunaires : la Terre projette une ombre toujours circulaire sur la Lune. Cette propriété est spécifique à une sphère, et ne peut être reproduite par un disque ou un plan.
« La circularité constante de l’ombre terrestre, quel que soit l’angle d’éclipse, constitue une preuve géométrique irréfutable de la rotondité de la Terre. »
— International Astronomical Union, Eclipse Handbook, 2017
V.3 – Rotation mesurée : pendule de Foucault, effet Coriolis
La rotation de la Terre, bien que non perceptible directement, est mesurable par plusieurs moyens expérimentaux.
V.3.a) Le pendule de Foucault
En 1851, Léon Foucault suspend un pendule de plusieurs mètres dans le Panthéon à Paris. L’oscillation du pendule conserve son plan dans l’espace, mais la Terre tournant en dessous, le plan d’oscillation semble tourner.
À Paris, il tourne de 11° par heure, soit une rotation complète en 32 h 43 min.
Au pôle Nord, il aurait tourné de 15°/h (24 h pour un tour complet).
« Le pendule de Foucault est une démonstration physique directe de la rotation terrestre dans un référentiel inertiel. »
— Darrigol, Physics and the Earth Sciences in the 19th Century, 2003
V.3.b) L’effet Coriolis
Découvert au XIXe siècle, il décrit la déviation des corps en mouvement dans un référentiel tournant :
Les cyclones tournent dans des sens opposés selon les hémisphères (antihoraire dans l’hémisphère nord, horaire dans le sud).
Les projectiles de longue portée doivent être corrigés en fonction de la latitude.
« La rotation de la Terre modifie la dynamique atmosphérique, en induisant des asymétries observables depuis les pôles jusqu’à l’équateur. »
— NOAA, Coriolis Effect and Weather Systems, 2016
V.4 – Observations orbitales et imagerie spatiale
Depuis 1957 (lancement de Spoutnik), des milliers de satellites artificiels ont été mis en orbite. Leurs trajectoires ne peuvent s’expliquer que dans un cadre gravitatoire sphérique.
La Station spatiale internationale (ISS) est visible à l’œil nu et effectue un tour complet de la Terre toutes les 90 minutes. Sa trajectoire est parfaitement prédite et observable en direct.
Les satellites géostationnaires (à 35 786 km d’altitude) offrent une vue fixe d’un hémisphère terrestre. Exemples : Himawari-8 (Japon), GOES (États-Unis), Meteosat (Europe).
Le satellite DSCOVR – EPIC, situé au point de Lagrange L1 (1,5 million de km de la Terre), transmet des images intégrales du globe toutes les deux heures. Ces images sont accessibles publiquement et montrent :
une Terre sphérique, rotative, uniforme ;
une progression cohérente des nuages, des ombres, et des continents.
« La cohérence entre les images satellites, les données météorologiques et les observations terrestres constitue une validation directe du modèle sphérique. »
— NASA Earth Observatory, EPIC Viewer and Validation Protocol, 2018
V.5 – Données sismiques et structure interne
Les séismes offrent une méthode indirecte mais puissante pour explorer la structure de la Terre :
Les ondes sismiques se propagent à travers la planète, et sont enregistrées par des stations situées dans différents pays.
Leur vitesse, leur déviation et la présence de “zones d’ombre sismique” sont modélisables uniquement dans un objet sphérique stratifié (croûte, manteau, noyau).
La découverte du noyau liquide (par Inge Lehmann en 1936) repose sur l’analyse des ondes P et S, impossibles à reproduire dans une Terre plate.
« La géométrie des ondes sismiques est incompatible avec une Terre plane. Leur comportement confirme la symétrie sphérique et les couches internes. »
— Dziewonski & Anderson, Preliminary Reference Earth Model, Physics of the Earth and Planetary Interiors, 1981
VI. Technologies et modèles en usage dans les sciences appliquées
L’un des aspects les plus probants de la validité du modèle sphérique est sa mobilisation dans les sciences appliquées et les technologies modernes. Contrairement à une représentation abstraite ou purement théorique, la forme sphérique de la Terre est intégrée de manière opérationnelle dans les calculs, instruments, systèmes et infrastructures utilisés quotidiennement dans l’aviation, la cartographie, la navigation, la météorologie ou le génie civil. Cette partie examine plusieurs domaines dans lesquels la sphéricité terrestre n’est pas une hypothèse, mais une condition de fonctionnement.
VI.1 – Données géodésiques et navigation satellitaire
La géodésie moderne repose sur la modélisation de la Terre comme un ellipsoïde de révolution légèrement aplati aux pôles, dit “oblate”. Le modèle de référence international, WGS-84 (World Geodetic System 1984), définit :
la forme de la Terre pour les systèmes GPS ;
le centre de masse terrestre comme origine des coordonnées ;
les hauteurs ellipsoïdales mesurées depuis la surface courbe.
Les satellites GPS orbitent à environ 20 200 km, et leur signal est utilisé pour trianguler une position au sol. Ce système ne peut fonctionner que si :
la Terre est modélisée comme une sphère ou un ellipsoïde ;
les signaux arrivent selon des angles compatibles avec cette géométrie.
« La précision du positionnement GPS dépend entièrement de la modélisation sphéroïdale de la Terre. Toute modification du modèle engendre des erreurs cumulatives dans les localisations. »
— National Geospatial-Intelligence Agency (NGA), GPS Standards and WGS-84 Specification, 2014
VI.2 – Modélisation aérienne et balistique
Les trajectoires aériennes — qu’il s’agisse d’avions de ligne, de vols militaires, ou de lanceurs spatiaux — sont calculées sur une Terre sphérique.
Les itinéraires les plus courts entre deux points (orthodromies) sont des arcs de grands cercles, ce qui explique les routes “courbes” sur une carte plate.
Les systèmes de navigation inertielle (INS) embarqués dans les avions utilisent des gyroscopes qui se calibrent par rapport à un référentiel terrestre sphérique.
Les trajectoires balistiques (missiles, obus de longue portée) doivent être corrigées en fonction de la rotation terrestre (effet Coriolis), ce qui n’aurait aucun sens sur une Terre plate.
« Les systèmes de vol guidés et les logiciels de pilotage automatiques sont conçus pour fonctionner dans un référentiel géodésique sphérique. Toute hypothèse alternative invaliderait le calcul du cap et de l’altitude. »
— Boeing Flight Operations Manual, Global Flight Models, 2020
VI.3 – Cartographie, systèmes d’information géographique (SIG)
Les cartes du monde sont des projections d’un globe sur un plan, car il est géométriquement impossible de représenter une sphère sur une surface plane sans distorsion. Les différents systèmes de projection (Mercator, Lambert, Peters…) sont des compromis entre :
la conservation des distances ;
la conservation des angles ;
la conservation des surfaces.
Les systèmes d’information géographique (SIG), utilisés en urbanisme, écologie, géologie, sécurité civile, etc., intègrent ces projections, en modélisant précisément la surface terrestre comme une sphère aplatie.
« Aucun SIG sérieux ne repose sur une Terre plate. Les calculs de distances, de surfaces ou de coordonnées exigent une référence sphéroïdale. »
— ESRI, GIS Fundamentals, 2021
VI.4 – Climatologie et météorologie globale
La météorologie repose sur des modèles numériques tridimensionnels dans lesquels la Terre est représentée comme une sphère :
La circulation atmosphérique générale (cellules de Hadley, Ferrel, polaires) dépend de la rotation de la Terre et de sa courbure ;
Les prédictions météo utilisent des grilles sphériques (modèle GFS, ECMWF) pour simuler les flux d’air, d’humidité et de température ;
La force de Coriolis dévie les vents et courants selon la latitude, phénomène inexplicable sans rotation sphérique.
Ces modèles sont utilisés pour prévoir :
les tempêtes,
les précipitations,
les vagues de chaleur,
la trajectoire des ouragans.
« La rotation sphérique de la Terre et sa géométrie conditionnent l’ensemble de la dynamique climatique globale. Aucun modèle plat n’a permis de reproduire ne serait-ce qu’un cyclone. »
— Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC), Climate Modeling Framework, 2019
VI.5 – Grands ouvrages et géométrie du génie civil
Les ingénieurs doivent parfois prendre en compte la courbure terrestre pour concevoir des ouvrages de grande longueur, comme :
les ponts (Golden Gate, Pont Vasco de Gama),
les tunnels (Canal de la Manche),
les pipelines, les voies ferrées, les câbles transocéaniques.
Sur de longues distances, la courbure introduit une déviation non négligeable :
8 cm sur 1 km²
80 m sur 100 km.
Par exemple, les équipes françaises et britanniques qui ont foré le tunnel sous la Manche ont dû ajuster leur trajectoire pour que les deux sections convergent en prenant en compte la courbure. Leur écart final fut inférieur à 25 cm.
« À grande échelle, la courbure terrestre doit être intégrée dans le calcul des visées et alignements. C’est une réalité mesurable, non une abstraction. »
— Institution of Civil Engineers (UK), Geodetic Engineering in Long Tunnels, 2015
VII. Pourquoi le débat persiste-t-il ?
L’existence durable de la croyance en une Terre plate dans certaines sphères du débat public, malgré les preuves empiriques, technologiques et théoriques en faveur du modèle sphérique, soulève une question centrale : pourquoi un tel débat persiste-t-il dans des sociétés hautement technicisées et éduquées ? Cette persistance ne s’explique pas par un simple défaut d’information ou d’intelligence. Elle résulte d’un ensemble de facteurs sociaux, cognitifs, médiatiques et culturels qui conditionnent les manières d’accéder au savoir, d’y adhérer ou de le contester. Cette partie propose d’en identifier cinq.
VII.1 – Défiance envers les institutions scientifiques
La première cause de persistance du débat est une crise de confiance envers les institutions qui produisent et diffusent le savoir scientifique. Dans un contexte marqué par :
les scandales sanitaires ou industriels,
les conflits d’intérêts réels ou supposés,
et la technocratisation du savoir,
de nombreux citoyens en viennent à considérer les universités, les agences spatiales ou les académies scientifiques comme éloignées, opaques ou biaisées.
Cette défiance est amplifiée dans le cas du modèle sphérique par la difficulté d’accès aux données brutes, ou par la complexité perçue des explications techniques (imagerie satellitaire, données GPS, mécanique céleste). Le soupçon que “quelque chose nous est caché” devient alors une hypothèse mobilisatrice.
« Ce qui fait défaut, ce n’est pas l’information, mais la relation de confiance entre ceux qui la produisent et ceux à qui elle s’adresse. »
— Dominique Pestre, Science, argent et politique, 2015
VII.2 – Rôle des médias numériques et des réseaux sociaux
Le développement des plateformes numériques a bouleversé les conditions de production et de diffusion du savoir. Sur YouTube, TikTok, Telegram ou Odysee, chacun peut :
produire son propre contenu “scientifique”,
diffuser ses hypothèses,
recevoir des commentaires valorisants ou critiques en direct.
Les algorithmes de recommandation, en privilégiant les contenus qui suscitent de l’engagement (curiosité, indignation, contradiction), favorisent la radicalisation de l’exposition : un spectateur curieux d’une vidéo platiste se voit rapidement proposer des dizaines de contenus similaires, renforçant son sentiment d’évidence et de cohérence.
« Les plateformes ne trient pas les contenus selon leur valeur de vérité, mais selon leur valeur attentionnelle. »
— Gérald Bronner, Apocalypse cognitive, PUF, 2021
VII.3 – Crise de confiance du savoir
Au-delà de la méfiance envers les institutions, c’est parfois le statut même du savoir qui est remis en cause. Le modèle scientifique repose sur des principes souvent contre-intuitifs : preuves indirectes, modélisation, traitement numérique, validation collective différée.
Pour beaucoup, cette complexité est perçue comme une barrière opaque. La notion de preuve est alors redéfinie comme ce qui est :
visible,
reproductible localement,
compréhensible sans médiation.
Cette redéfinition produit une épistémologie alternative, où la démonstration scientifique est considérée comme moins légitime que l’observation directe. On passe alors du doute méthodique au doute radical, indifférent aux arguments de fond.
« Le rejet du savoir scientifique n’est pas nécessairement un retour à l’ignorance, mais une forme de révolte contre les formes perçues comme illégitimes du savoir. »
— Bruno Latour, La science en action, 1987
VII.4 – Dimension identitaire et communautaire
L’adhésion au platisme ne relève pas uniquement d’un raisonnement individuel : elle engage souvent une dimension sociale et identitaire forte. Rejoindre une communauté platiste, c’est :
faire partie d’un groupe perçu comme “réveillé”,
s’opposer à une majorité jugée manipulée,
trouver un espace de reconnaissance et de validation mutuelle.
Dans ces communautés, l’expérience individuelle est valorisée, les erreurs sont discutées collectivement, et la marginalité devient preuve de lucidité. Le rejet du modèle sphérique prend alors une valeur symbolique : celle d’un refus plus global des normes, des savoirs institués, et parfois des récits dominants.
« Le platisme n’est pas d’abord une théorie du monde : c’est une manière de se situer dans le monde. »
— Asheley Landrum, Flat Earth and Social Identity, 2020
VII.5 – Pourquoi l’éducation scientifique seule ne suffit pas
Enfin, la transmission des connaissances scientifiques s’est souvent faite sur un mode affirmatif, en posant la Terre sphérique comme une évidence, sans expliciter suffisamment :
les expériences qui permettent de le prouver,
les alternatives qui ont été historiquement réfutées,
les méthodes de validation employées par la science.
Dans ce contexte, une rhétorique alternative, visuelle, accessible et participative comme celle des platistes peut sembler plus convaincante, en particulier auprès de publics en quête d’autonomie intellectuelle.
Former à la science ne consiste pas seulement à transmettre des faits, mais à expliquer comment on sait ce que l’on sait, et pourquoi certaines méthodes produisent des connaissances plus fiables que d’autres.
« L’éducation scientifique doit former des citoyens capables d’évaluer les sources, de comprendre les méthodes, et de distinguer entre doute fertile et doute paralysant. »
— National Academies of Sciences, Science Literacy in the 21st Century, 2020
Conclusion
Alors, la Terre est-elle plate ?
Posée sérieusement, cette question mérite une réponse complète, argumentée et honnête. Au terme de ce parcours — historique, expérimental, technologique, épistémologique — la réponse est claire : non, la Terre n’est pas plate. Elle est un globe légèrement aplati aux pôles, et cela est aujourd’hui démontré par des observations convergentes, des expériences reproductibles, et des applications concrètes, visibles au quotidien.
Cette conclusion n’est pas une croyance, ni un héritage dogmatique : c’est une construction patiente, qui traverse les siècles et les disciplines. Elle repose :
sur les calculs géométriques d’Ératosthène et d’Al-Bīrūnī,
sur les preuves visuelles des éclipses et des horizons courbes,
sur les mesures du pendule de Foucault et des satellites en orbite,
sur la fiabilité du GPS, des cartes, des systèmes climatiques, et des vols intercontinentaux.
Elle repose aussi sur une méthode : celle de la science comme enquête collective, falsifiable, corrigible, mais extraordinairement féconde.
Alors pourquoi ce doute persiste-t-il ? Parce que la science ne se réduit pas à des faits accumulés : elle est aussi un rapport au monde, à l’autorité, à la preuve, à l’incertitude. Le modèle plat n’a pas résisté à l’épreuve des faits, mais il dit quelque chose d’autre : un besoin de participation, de visibilité, de maîtrise personnelle du savoir.
C’est là que réside l’enjeu véritable : faire en sorte que la connaissance scientifique reste partageable. Qu’elle ne soit pas seulement correcte, mais compréhensible. Qu’elle ne soit pas seulement accessible, mais digne de confiance.
La Terre est un globe. Ce n’est pas une opinion.
Mais ce n’est pas une injonction non plus.
C’est un résultat que chacun peut — et doit — pouvoir revoir, vérifier, comprendre et transmettre.
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